Un amateur avait un singe à la maison.
Si c’était pour fuir la mélancolie,
Le moyen du moins était bon.
Il n’y avait point de folies,
De tours malins, d’espiègleries,
Que ne fit sans cesse Jocko.
D’un meuble à l’autre il vous faisait des sauts,
Plus léger qu’une biche,
Et tombait toujours à propos
Pour faire quelque niche,
Ou attraper un bon morceau.
Tantôt il allait contrefaire
La vieille ménagère,
Trottant comme elle à petits pas;
Tantôt volant sa tabatière,
Il allait faire prendre au chat
Des prises de tabac;
Et du logis les grands et petits hôtes
Riaient à s’en tenir les côtes.
Pauvre Jocko ! un jour que par hasard
Il vit son maître établi à l’écart
Pour se raser, curieux, il s’arrête,
El se met dans la tête
Au premier jour d’en faire autant.
Mais pour cela il prend son temps.
Au moment où tous les gens sortent,
A peine ont-ils fermé les portes,
Qu’aussitôt Jocko va s’asseoir
Vis-à-vis du même miroir
Que son maître, et prend plat à barbe,
Eau, savon, pinceau et rasoir,
Et puis commence à se faire la barbe.
La savonnette réussit,
Et le coup de rasoir aussi.
Du museau aux oreilles
La besogne allait à merveille.
« Tiens ! cela fait pourtant un peu de mal,
Se dit Jocko, mais c’est égal! »
Il est un brave, il se rengorge,
Et du rasoir va se raclant le cou,
A gauche, à droite, et çà et là, partout,
Si bien qu’enfin… il se coupa la gorge!
Or c’est ainsi qu’il arrive souvent
De mal finir à qui singe les grands.
Le Singe, Massalski.