Jean-Joseph Monmoreau
Poète et fabuliste XIXº – Le solitaire et le Vizir
Au fond d’un bois, paisible lieu,
Un solitaire, en dépit de l’envie,
Depuis longtemps passait sa vie,
Priant sans cesse et ne pensant qu’à Dieu.
Un grand-vizir, disciple d’Épicure,
Un jour troubla par aventure
Sa méditation, son ardente ferveur.
— Pourquoi, dit le premier ministre du Seigneur,
Fuis-tu le bruit et les éclats du monde ?
A quoi sert sur ton corps d’exercer la rigueur ?
A ton aspect, le plus farouche cœur
Se sentirait ému d’une pitié profonde. —
La mort semblait l’étreindre dans ses doigts.
Et le dervis, malgré sa faible voix, Chantait.
— Chanter quand sa mort est certaine
Révolte le bon sens, ajouta le vizir.
L’ermite répondit : — Ta remontrance est vaine.
Le bonheur de mourir sans peine
M’engage à vivre sans plaisir.
Jean-Joseph Monmoreau, Novembre 1866.