Dan s un bois sombre et solitaire,
Damis pensait en liberté ;
Libre de soins, sans souci, sans affaire,
Il jouissait de sa tranquillité :
Loin du cahos du monde , et ses fréquens orages ,
Il trouvait le bonheur sous ces charmans ombrages,
Le doux ramage des oiseaux ;
Zéphir agitant les rameaux ,
Ce murmure léger seul frappait ses oreilles.
Tandis qu’il méditait sur toutes les merveilles
Que la belle saison présentait à ses yeux ,
Un geai cruel, malencontreux,
Interrompit sa douce rêverie
Par les sons très-aigus de sa voix de furie.
Le penseur, furieux contre l’oiseau bavard ,
Qui venait sans aucun égard
Déranger le repos d’un grave philosophe ,
D’un ton sévère l’apostrophe
En lui disant : loin d’ici, malheureux !
Ta voix aigre , les cris affreux ,
Troublent la paix dans cet asyle ;
Ta présence est plus qu’inutile;
Va, porte ailleurs, crois-moi , ton ramage ennuyeux.
Le geai lui répondit : quelle mouche vous pique ?
De quel droit voulez-vous que je quitte ces lieux ?
Je suis chez moi , dans ce canton rustique ;
Si mes cris pour vous sont fâcheux ,
La nature jugea qu’ils m’étaient nécessaires ;
Je m’entretiens avec mes chers confrères;
Nous habitons ces vallons , ces coteaux ;
Nous n’allons point dans vos châteaux ,
Vous étourdir par notre caquetage;
C’est pourquoi , si notre langage
Vous déplaît tant, abandonnez nos bois :
Depuis le Gange jusqu’au Tibre ,
Vous savez qu’on l’a dit cent fois ,
Chacun chez soi doit être libre.
“Le Solitaire et le geai”