Au beau milieu d’un champ que le soleil brûlait,
L’autre jour en sursaut deux bergers s’éveillèrent,
Et tous deux ils se racontèrent
Le songe qui les agitait.
Quelle frayeur! dit l’un ; dans une nuit profonde
J’ai cru voguer sur le vaste Océan,
Quand tout-à-coup un terrible ouragan
M’a fait aller dormir jusques au fond de l’onde.
Et moi, répondit l’autre, armé comme un soldat,
Je crus aller, j’allais tout tremblant à la guerre;
Mais un coup de mousquet m’a fait mordre la terre
Dans le premier feu du combat.
Lycas les écoutait, passant par aventure:
Mes amis, leur dit-il, vos rêves sont fort beaux ;
Mais si vous ne songiez qu’aux paisibles travaux
Que vous a prescrits la nature,
Vous ne rêveriez que troupeaux,
Que moutons, chiens et pâturages,
Et les combats ni les naufrages
Ne troubleraient votre repos.
« Le Songe et les deux Bergers »
Francois Benoît Hoffman, 1760 – 1828