Denis Charles Henri Gauldrée-Boileau
Un monsieur de la Frontinière,
Qui de laquais , financier devenu,
Sous le nom de Frontin jadis était connu ,
Fit hier, en vrai parvenu ,
Une méprise singulière.
Il avait excellé dans l’art
De braver les cahots derrière une voiture;
A l’importance du richard ,
A son langage , à sa tournure
On n’eut pas soupçonné qu’il dût tant au hasard.
Aujourd’hui, ce superbe maître
Commande avec aigreur , gage cent parmenons ,
Ses anciens compagnons,
Sans avoir l’air de les connaître.
Or donc, hier, car voilà bien des mots ,
Pour en venir à sa méprise:
Je veux me rendre chez Orphise ;
Vite, dit-il, qu’on mette mes chevaux.
Il fournissait aux besoins de la belle,
Et venait d’apprendre à l’instant
Qu’à son bienfaiteur infidèle
L’ingrate fournissait à ceux d’un jeune amant.
Les chevaux attelés , mon financier descend ;
Mais il n’est plus à lui, depuis cette nouvelle ;
Et dans son dépit, sans songer
Que c’est pour lui qu’on ouvre la portière,
S’élance, et va d’un pied léger ,
Dupe d’un souvenir , se hisser par derrière.
Le luxe des habits , l’éclat des diamants ,
Les airs étudiés et les beaux sentiments
N’en imposent qu’à l’imbécile.
Un geste, un mot, rend tout soin inutile,
Et suffit pour trahir les gens.
Il n’est rien de si difficile,
Que d’oublier ce qu’on a fait long-temps.
“Le Valet devenu Maître”