L’acacia du Pérou que défend son épine,
Et l’arbre qui produit le vernis de la Chine,
Dans un de nos jardins
Se trouvèrent voisins.
Le vernis était né de la vive racine
D’un arbre dont le front se cachait dans les cieux,
Et l’acacia, d’un père infirme et déjà vieux.
La fortune est cruelle, et l’orgueil veut médire.
L’arbre dont les aïeux sont au céleste empire,
De son humble voisin faisait fort peu de cas :
« Que n’es-tu, lui dit-il, au pays des Incas ?
Jamais ici, mon cher, les rameaux de ta tête
N’atteindront de mes bras le feuillage éclatant :
A même heure, dit-on, nous sommes nés pourtant.
— Vous êtes, il est vrai, plus près de la tempête,
Répondit l’acacia :
Je ne veux pas savoir si c’est un avantage :
Mes fleurs ont des parfums, tout meurt sous votre ombrage.
L’aveugle amour d’un père à vous se confie :
Vous avez épuisé la source de sa vie
Par votre fol essor :
Long-temps il a langui, maintenant il est mort.
De l’auteur de mes jours je veux être l’appui,
Ou mourir avant lui ! »
Dussiez-vous posséder les trésors de Golconde*,
Enfants, s’ils sont au prix du repos ou des jours
De qui vous a fait naître, ah ! préférez toujours
Les vertus d’un bon fils, aux vanités du monde !
*Ville d’Inde où l’on trouvait des mines de diamants.
“Le vernis de l’Acacia”