On raconte qu’au temps jadis
Il vivait en certain pays
Un homme dont le caractère
Fut jaloux, avare et colère :
L’aveugle destin lui fit don
D’un bien qu’il ne méritait guère.
Rien si rare que Salomon
Voulait qu’on le cherchât jusqu’au bout de la terre,
Femme d’une agréable humeur,
Joignant la grâce à la prudence
Et la sagesse à la douceur.
Mais en vain par sa complaisance,
Elle avait tâché d’adoucir
Cet esprit qu’aigrissait la bile ;
Ce soin fut toujours inutile,
Aucun espoir de réussir
Ne vint même jamais consoler sa tristesse :
On ne sait pas trop bien quel accident fâcheux
Termina son sort malheureux :
Mais on dît qu’à peine son âme
Venait d’échapper de son corps
Que le mari voyant ses torts,
Commença de pleurer sa femme ;
Il vanta ses attraits, il compta ses vertus.
Des doux momens qu’il a perdus
Il parle à ses voisins, qu’il lasse et qu’il excède.
Regrets tardifs et superflus
Puisqu’à la mort il n’est pas de remède !
Ainsi l’on méconnaît un bien que l’on possède.
On en sent tout le prix sitôt qu’on ne l’a plus.
“Le Veuf”