Un jeune homme vit de loin un vieillard dont le dos voûté ressemblait à un arc.
Avec la suffisance de la jeunesse, il lui dit : « O vieillard ! à combien l’arc ? Apporte-le ici, et prends cet or. »
L’homme âgé lui répondit : « Ô ma vie (1), on m’a donné ceci gratuitement (2).
Garde ton or, ô frais jouvenceau ! Demain, tu le recevras aussi gratis. Comme j’ai atteint la soixantaine, il n’y a pas de mal à ce que je mette la main à cet arc (3). »
- Attar, Asràr-nâmè, Le Vieillard cassé et le jeune Étourneau.
1. Terme d’amitié.
2. «Ainsi donc la créature ignorante et faible, au jugement mauvais, est fière de la jeunesse qui l’enivre, et elle ne voit pas la vieillesse qui l’attend. » Telles sont les paroles que prononça un jeune prince, qui sera le Bouddha, le prince Siddhârtha, un jour qu’il rencontra un homme vieux, décrépit, «tout incliné sur un bâton ». (Cf. J. Barthélémy Saint-Hilaire, Le Bouddha et sa religion, 3e édition, p. 13.)
Notre jeune étourdi, lui, ne pense pas qu’il puisse vieillir, et plaisante ; mais bientôt la vieillesse lui apparaîtra comme une éventualité à laquelle il est bon de se préparer : Un adolescent dit à un homme Âgé : — Comment faire quand je deviendrai vieux, et que les belles me fuiront ? »
Le spirituel vieillard lui répondit : — Quand tu seras parvenu à la vieillesse, tu fuiras toi-même les belles ! » Nézami, Kkosrau-ou-Chirin.
3. Ou bien : «… que je fasse un arc de soixante» Le poète joue sur le mot chèst qui a une double signification : «soixante» et «pouce».