Pour mieux jouir d’une fauvette
Qui gazouilloit dans un buisson ;
Un jeune villageois dénicha la pauvrette.
Joyeux de la tenir, il gagne sa maison,
Et lui fait au plus vite habiter une cage,
Que les oiseaux nomment prison.
Regrettant et famille, et verdure, et bocage,
Elle ne chanta plus en quittant le feuillage.
De sa tristesse enfin son maître se plaignit,
Vanta ses soins pour elle et son tendre langage ;
Mais la fauvette répondit :
Quoi ! par plaisir ou par caprice
Tu me prives de mes enfans,
De mon époux, de la beauté des champs ;
Et, pour prix de ton injustice
Qui cause mes gémissemens,
Tu veux que je te divertisse !
Non, non, j’aimerois mieux la mort.
Si tu veux des chansons, il faut changer mon sort ;
Je ne puis être heureuse et chanter qu’en ménage ;
Rends-moi ma liberté, mes petits, mes amours,
Et je reprendrai mon ramage.
Si je chantois dans cette cage,
Loin de ceux qui faisoient le bonheur de mes jours,
Ô ! je mériterois un si dur esclavage,
Il faudroit m’y laisser toujours.
“Le Villageois et la Fauvette”
- La Marquise de la Ferrandière, 1736 – 1819