Un jour un villageois, sur son âne affourché.
Trouva par un ruisseau son passade touché.
Tandis que pour le prendre un batelier s’apprête,
Il approche du bord, saute en bas de sa bête,
S’embarque le premier, et sur le pont tremblant
Tire par son licou l’animal nonchalant.
Le grison, qui des flots redoute le caprice,
Tire de son coté, fait le pas d’écrevisse;
Et du maître essoufflé déconcertant l’effort,
Lutteur victorieux, demeure sur le bord.
Enfin, tout épuisé d’haleine et de courage,
L’homme change d’avis, redescend au rivage,
Prend l’âne par la queue, et tire de son mieux.
L’animal aussitôt s’échappe furieux ;
Et du bras qui le tient forçant la violence,
D’un saut précipité dans le bateau s’élance.
“Le Villageois et l’Ane”
Jean-Baptiste Rousseau – 1670 – 1741