Un Villageois s’en allait au marché ,
Portant au bout d’un bâton attaché
Coureur , en son vivant , que chez nous lièvre on nomme.
Un plaisant à cheval aperçoit le bonhomme:
Ami , dit-il , ce défunt-là
Est-il à vendre ? — Oui , Monsieur, —
Quelle somme En voulez-vous ? — Un écu. — Le voilà.
Mais, avant d’acheter, voyons la marchandise.
Le vendeur quitte son gibier ,
Et fait en ce lourde sottise:
Car aussitôt le Cavalier
Pique des deux, et s’enfuit au plus vite.
Notre dévalisé regagne en paix son gîte,
Du négoce fort peu content.
A tel commerce on ne s’enrichit guère ;
Mais l’infortune est un enseignement,
Et le lièvre du pauvre hère
Lui recommande , en s’en allant,
De n’être à l’excès confiant.
“Le Villageois et le Cavalier”