Denis Charles Henri Gauldrée-Boileau
Un nombreux troupeau de moutons,
Fut placé sans gardien dans un gras pâturage ;
L’endroit était bien clos , et dans le voisinage
Il n’était point de loups.
Sont-ils les seuls larrons
Contre lesquels ici-bas il soit sage
De prendre ses précautions?
A l’affût des occasions,
Un voleur s’aperçut de cette négligence ;
L’adroit coquin , profitant de la chance ,
Prit d’abord un mouton , et puis deux , et puis trois
Et comme on gardait le silence,
Ce beau métier dura pendant un mois.
Le peuple moutonnier, avec plus de prudence ,
Eût dès le premier jour prévenu le patron :
Irrité de se voir ainsi dans l’abandon ,
Il aima mieux, jouet d’une aveugle vengeance,
Se prêter tour à tour au larcin du fripon ;
Mais celui-ci revint tant de fois à la charge,
Qu’il ne resta plus qu’un agneau.
Cet agneau réfléchit, eut peur, gagna le large,
Et vint se plaindre au maître du troupeau.
« Nous avons pris , dit-il, un sot parti sans doute,
» Car un mouton doit craindre un voleur comme un loup ;
» Mais seigneur , quoi qu’il vous en coûte ,
» Convenez-en, pour parer à ce coup,
» Il fallait raisonner, et nous étions beaucoup. »
« Le Voleur et les Moutons »
Denis Charles Henri Gauldrée-Boileau, 1773 – 1830