On avait mis au pâturage un nombreux troupeau de moutons, et comme l’endroit était fermé, on ne leur avoit donné aucun gardien. Un voleur s’en aperçut et profita de cette sécurité pour en dérober un. Le lendemain il vint en enlever un second, le surlendemain deux ou trois, et pendant long-temps il fit ainsi tous les jours. Les moutons voulurent d’abord en avertir leur maître; mais choqués de l’indifférence méprisante avec laquelle il semblait les avoir abandonnés, ils se piquèrent contre lui, et pour le punir se laissèrent enlever les uns après les autres, sans pousser le moindre cri. Le voleur cependant revint tant de fois au butin, qu’enfin il ne resta plus qu’un agneau. Quand celui-ci vit que son tour était venu, il eut peur et alla se plaindre au maître.
” Nous avons pris un sot parti, lui dit-il, mais n’en soyez point étonné, nous étions un grand nombre. “
“Le Voleur et les Moutons”
Fin des fables de Marie de France traduites par Legrand d’Aussy – Fables et Romans du XII° et XIII° siècle – 3eme édition – 1829.