Une onde vagabonde, arrivant au moulin.
Met la machine en branle ; elle crie, elle joue.
Voyageur attentif, un peu trop, je l’avoue.
Je regardais la scie à travers un sapin
Se frayant un étroit chemin,
Au bruit des eaux et de la roue.
(Observateur oisif, je me mis à rêver.)
Tremblant de tous ses nerfs, le sapin, fort sensible,
En sons plaintifs me semblait expirer.
Et, tressaillant, je veux me retirer…
« L’image de la mort te paraît bien horrible?
« Écoute, dit le bois, timide voyageur,
« Je souffre et je ressens un tourment indicible :
« C’est pour loi que l’acier me déchire le cœur!
« Encore quelques jours de joie et de misère;
« Cours, inconnu pèlerin sur la terre :
« Mais bientôt mes durs soliveaux
« Te serviront de lit dans le champ du repos. »
Puis je vis tomber quatre planches;
Oh ! mon cœur ému se serra,
Ou a ml je vis mes mains pâles, blanches !
Et la machine s’arrêta…
Seul, le mortel vertueux, charitable,
Doucement s’éteint sans frémir.
Son âme est immortelle, et va se réunir
Dans le sein d’un Dieu redoutable.
“Le Voyageur dans un Moulin à scier”