Un Voyageur, peu riche apparemment,
Et mal reçu dans les hôtelleries,
De poires moitié pourries
S’était chargé, faute d’argent.
Il eût voulu sans doute en avoir de meilleures…
Sa canne en main, très courageusement
II a déjà marché quatre heures.
La soif se fait sentir, et l’appétit survient,
De ses poires il se souvient,
Et songe à fouiller dans sa poche.
Un Poirier, dont les fruits semblaient délicieux,
Eloigné de cent pas, se présente à ses yeux.
Il jette au même instant ses poires, et s’approche.
— Voici, dit-il, des mets plus savoureux.
Il ne tiendra qu’à moi d’en manger si j’en veux.
Et qui m’empêchera de me donner la peine
D’en prendre pour demain, pour toute la semaine ?
Il aurait dû raisonner mieux :
Car un large fossé s’opposait à ses vœux.
Je ne puis dire, je l’avoue,
Quelle fut sa douleur, en voyant ce fossé,
Par lequel son espoir se trouvait renversé.
Ce pauvre homme chercha ses poires dans la boue.
Et les essuya bien. C’est tout ce que je sçai.
La même chose nous arrive.
Souvent nous quittons le certain,
Pour une belle perspective,
Qui se fait voir dans le lointain
“Le voyageur et le Poirier”