Un gentil écureuil, au bord d’une rivière,
Tant avait gambadé, gesticulé, sauté,
Qu’enfin, pour prendre haleine, il s’était arrêté
Tout en face d’un mont ; campé sur son derrière,
Il regarde. Ah ! dit-il, quel ravissant coup-d’œil !
Que de fleurs ! que de fruits ! la noisette et l’alise
Y promettent des mets dignes d’un écureuil.
Or çà, point de retard ; que mon esprit avise
Aux moyens de passer par là.
II dit, et soudain le voilà
Qui sur le sable pousse ou traîne
Un morceau d’écorce de chêne,
Que sur le liquide élément
Il lance ; et puis, hardi pilote,
Sur sa fragile galiote
Il vogue. Expliquez-nous comment.
Je n’en sais rien. Au moins sur ce prodige
Dites un mot ? Je n’en sais rien, vous dis-je.
Messieurs, il vogue, et voilà tout.
Cependant des zéphyrs l’haleine protectrice
Le dirige à souhait. Oui, le ciel m’est propice ;
De rame il ne faut plus qu’un coup,
Dit-il, pour me pousser sur cette aimable rive ;
Du plaisir, du bonheur, ô douce perspective !
Ô transport !
Mais un orage !…
Il fait naufrage
Dans le port.
“L’Écureuil navigateur”
- Jean-Auguste Boyer-Nioche, 1788-1859