Depuis plus de six mois un écureuil privé
Faisoit tous les plaisirs de sa jeune maîtresse.
Il paroissoit sensible à sa moindre caresse :
Jamais il n’étoit arrivé
Que, libre de courir, une seule minute
Il l’eût quittée ; et la raison,
C’est qu’il trouvoit toujours dans sa main du bonbon.
Il savoit faire la culbute,
Contrefaison le mort, sautoit sur un bâton.
Ses qualités les plus parfaites,
A mon gré, c’est qu’en aucun temps
Il n’avoit exercé ses dents
Que sur du sucre ou des noisettes.
Il en tenoit encore un assez gros morceau
(Nouveau bienfait de sa maîtresse),
Qu’il mangeoit avec gentillesse :
Sa queue en remontant ombrageoit son museau ;
Entre l’une et l’autre patte,
D’une façon délicate
Il le tenoit,
Le retournoit,
Lorsque Claude, un laquais, pour s’amuser, l’agace,
Lui prend son sucre, le lui rend,
Puis encore le lui reprend.
De ce jeu l’écureuil se lasse ;
Il est tout prêt à se lâcher ;
Et, sans autre raison, du malicieux Claude
Il reçoit une chiquenaude
Qui l’oblige à s’aller cacher.
Le petit animal, irrité, plein de rage,
En grondant s’enfuit dans sa cage.
Sa maîtresse arrive aussitôt.
Vite, à son écureuil elle ne fait qu’un saut :
A peine elle le voit paraître
Qu’elle va pour le caresser ;
Mais soudain jusqu’à l’os elle se sent percer.
Déja vous l’appeliez ingrat, injuste, traître ;
Et vous les méritez ces noms autant que lui,
Vous qui dans votre humeur méconnoîssez sans cesse,
Et repoussez avec rudesse, lorsqu’une autre main vous a nui,
Celle qui tous les jours vous flatte et vous caresse.
“L’Écureuil”