Commentaires : L’Eléphant et le Singe de Jupiter de MNS Guillon – 1803.
- L’Eléphant et le Singe de Jupiter.
(1) Autrefois l’Eléphant, etc. Le fonds de cette fable en grec est très -stérile. C’étoit une monnoie d’un bas titre , que la Fontaine a refondue, et à laquelle il a ajoute de la matière pour lui donner cours dans son pays. Pour la seconde fois il attaque la vaine manie des préséances. La première, dans la fable des deux Chèvres ; l’autre , dans la personne de l’Eléphant et du Rhinocéros. On aime à voir le talent lutter contre lui-même. On pourrait être étonné qu’il ait donné ce ridicule travers à l’Eléphant. Ce n’est pas lui qui est le roi des animaux : il a d’ailleurs dans la poésie un caractère dont il n’est pas permis de sortir.
(2) Ce Singe avait nom Gille. Le Singe peut se nommer ainsi quand il fait ses tours de passepasse ; mais ce n’est plus un Gille, quand il est revêtu de la qualité d’ambassadeur, et qu’il porte le caducée de Mercure.
(3) Sa créance. Pour lettres de créance ; ou mieux : instruction secrète donnée a un négociateur.
(4) l’attention qu’il croyoit ,etc. Comment l’attention de l’Eléphant à croire, etc., pouvoit-elle agiter ou non une nouvelle parmi les Dieux ? Construction embarrassée, termes impropres, obscurs.
(5) Qu’importe à ceux du firmament. «La moralité’ ne doit pas être trop tôt indiquée : c’est autant de retranché sur le plaisir que la suspension nous ménage. Le poète, dans cette fable, a négligé cette maxime. Après m’avoir appris par ces deux vers :
Qu’importe à ceux du firmament,
Qu’on soit Mouche ou bien Eléphant?;
Après, dis-je, m’avoir appris qu’aux yeux des Dieux, tous les hommes sont égaux, je ne suis plus frappé de la pensée qui termine :
Les petits et les grands sont égaux a leurs yeux. Elle n’est plus que froide et inutile ».,.. ( Dardenne. ),
(6) Qu’Eléphantide etc. Supposez une royauté parmi les animaux , il leur faut un empire, une capitale qui porte le nom de ses souverains : toutes ces idées se touchent.
(7) D’en apprendre le nom. Comment le Singe peut-il ignorer encore le nom d’un Empire considérable, dont il est venu saluer le Souverain?
(8) On ne t’entretient guère, etc. C’est le mot de Didon, dans les accès de son désespoir amoureux :
Scilicet is Superis labor est, la cura quietos Sollicitât,
AEneid. Liv.IV.)
Observez que cette amante passionnée n’accuse les Dieux de cette indifférence, que parce qu’Enée se dit issu de leur sang. Mais le Singe , messager des Dieux, n’a point de passion qui l’aigrisse contre ses maîtres.
(9) Dans nos vastes lambris. Il faudroit: sous nos vastes lambris.
(10) Partager un brin d’herbe entre quelques Fourmis, Imité de ce vers d’un ancien poète, en parlant de Dieu :
Il voit comme Fourmis marcher nos légions.
Cette fable , composée dans la vieillesse de l’auteur, est digne des plus beaux fruits de sa maturité.