Un éléphant grossier, massif,
Pris d’une passion puissante, impérieuse,
Ou d’un autre instinct non moins vif,
Gagnait, d’un pas lourd et tardif,
Une jungle mystérieuse.
Pesamment, devant lui tout droit il cheminait,
Et renversait sur son passage
Tout obstacle qui le gênait,
Sans s’inquiéter du dommage.
Il allait, il allait, et sous son large pié,
Plantes, fleurs, tout enfin était rompu, broyé.
Si, moins brutal et moins sauvage,
Il eût pris un chemin frayé,
S’il eût fait un détour, ne trouvant pas de route,
Il n’aurait pas causé tant de dégâts sans doute ;
Mais aveuglément il cédait
A l’appétit qui le guidait.
Tels sont ces gens que l’on voit dans le monde,
Gros d’importance et de fatuité,
Dont l’assurance ne se fonde
Que sur leur sotte vanité,
Et qui, froissant l’usage, avant eux respecté,
Aux pieds, sans le savoir, foulent la politesse,
Cette fleur de bon goût et de délicatesse,
Charme de la société.
1844
“L’Eléphant”
- Pierre Bergeron 1787 – 18??