Fleury Flouch
Un jour la plume et le papier
Disputaient avec l’encrier
D’esprit, d’honneur et d’importance,
Et chacun d’eux voulait la préséance.
« C’est moi, disait la plume avec humeur,
» C’est moi qui transmets la pensée
» A l’œil sévère du lecteur ».
« Comment sur le papier serait-elle tracée,
Répliquait l’encrier boudeur,
» Si tu ne plongeais pas ton bec dans la liqueur
» Dont je suis le dépositaire ?
» Et sans moi que pourriez-vous faire,
» S’écriait, à son tour, le papier menaçant,
» Comment lirait-on vos harangues » ?
Les esprits s’échauffaient aussi bien que les langues,
Déjà dans les regards de chaque prétendant
La colère étincelle, Lorsque leur chef et leur seigneur,
Ou si l’on veut, l’Auteur,
Qui du seuil de la porte écoutait leur querelle,
Entre, et leur dit d’une voix solennelle :
» Finissez vos caquets.
» Seul, je commande ici, vous êtes mes sujets.
Et des trois disputeurs la primauté s’envole ;
Ils sont réduits au rôle
De confidents muets.
Cette profane parabole
Retrace un peuple de valets,
Avec emportement, loin des yeux de leur maître,
S’arrogeant tous l’autorité
Et reprenant leur ton d’humilité
Sitôt qu’ils l’ont vu reparaître.
Fleury Flouch