Un jeune Enfant se plaignait autrefois,
Que, quand il cueillait une Rose,
Il se piquait toujours les doigts.
– En vérité, c’est une étrange chose :
Disait-il en colère, et la nature a tort
De placer une fleur si belle
Sur un buisson. De quoi s’avise-t-elle ?
Pour moi, je la blâme très-fort.
Taisez vous, jeune nomme peu sage,
Lui répondit la Rose en son langage ;
(Car tout parlait alors , fruits, arbrisseaux et fleurs.)
Le plaisir ne va point sans peine :
Il exige des soins. Cette règle est certaine.
Vous dois-je mon éclat et mes belles couleurs ?
Je vous les cède sans murmure.
Mais permettez au moins que la nature,
En vous comblant de ses faveurs,
Mette un léger obstacle à vos vives ardeurs.
La réprimande était juste. A la Rose,
Tout parlement donnerait gain de cause.
Quant au jeune homme, il n’avait pas raison.
Sa petite colère était hors de saison,
Ses plaintes étaient indécentes.
Au lieu de se livrer à sa mauvaise humeur,
Il devait écarter les épines piquantes
Avant que d’arracher la fleur.
Sans peine et sans travail obtenir le bonheur,
Est un droit dont le ciel ne fait part à personne.
La nature vend tout, rarement elle donne.
“L’Enfant et la Rose”