C’était l’hiver. Autour de l’âtre
De blonds enfants en cercle étaient assis joyeux.
Survint un chat, — les chats, on le sait, sont frileux ; —
Séduit par la lueur rougeâtre
Qu’exhale en pétillant le foyer embrasé,
Il s’approche du groupe avec hypocrisie ;
Et, souple, astucieux, rusé,
Afin de conquérir la place qu’il envie,
Le fourbe à nos bambins fait patte de velours
Et mille aimables gentillesses.
À leurs juvéniles caresses,
A leurs charmants et malicieux tours,
— Cauteleux et l’oreille basse, —
Il se prête de bonne grâce.
Mais à peine en possession,
Du coin de cheminée,
Objet de son ambition,
— Égratignant la main qui l’avait câlinée,
Aux folâtres transports des jeunes imprudents
Il montre désormais les griffes et les dents.
Ainsi le peuple, enfant naïf, crédule et tendre.
Aux ruses des flatteurs toujours se laissa prendre.
Ainsi les exacteurs avides de s’asseoir
A ce foyer d’or du pouvoir,
Ainsi les grands phraseurs aux fibres pathétiques,
Tous les angoras politiques,
Obséquieux la veille, ont tous au lendemain
Pour le peuple trompé du fiel et de l’airain.
“L’Enfant et le Chat”, Joseph Déjacque, 1821 – 1864