Un charmant enfant, mais au travail un peu mou,
( Il s’en trouve parfois), un jour dit à son père :
— Tenez, Papa, j’aurai beau faire,
J’aurai beau travailler, me mettre jusqu’au cou
Dans le latin, le grec et les mathématiques,
L’allemand et l’anglais, les sciences physiques,
Je ne pourrai jamais apprendre tout cela,
Devenir orateur, poète, et cœtera.
Je sais que la science est une belle chose,
Qu’elle ennoblit celui qui l’a;
Mais je crains que pour moi ce ne soit lettre close,
Et doute fort, après toute réflexion,
Que d’être un jour savant soit ma vocation;
C’est par trop difficile, et, pour la réussite,
Il faut des natures d’élite.
— Mon enfant, dit le père, on peut ce que l’on veut;
La nature envers nous et généreuse et sage,
En nous donnant l’esprit nous en laisse l’usage;
Nous pouvons l’exercer ou beaucoup ou très-peu;
C’est un germe qui meurt ou qui croît et profite
Selon qu’on le cultive; et de là l’ignorant
Et celui que tu crois de nature d’élite
Tandis qu’il n’est qu’actif et que persévérant.
Certes le père était fort sage
De faire entendre à ce fils indolent
Que chacun peut par son courage
Devenir homme de talent.
“L’Enfant et son Père”