Bien encaissés, serrés par un grillage,
Deux Rosiers, trois touffes d’œillets ,
Un Jasmin et quatre Genêts ,
Sur le bord d’un sixième étage,
D’un vieux rentier formaient le paysage ;
Ils végétaient, grâces à l’arrosoir
Dont monsieur Bonardin venait, matin et soir,
Rafraîchir leur triste feuillage;
Du reste, placés près des deux,
Ils n’avaient rien au-dessus d’eux !…
(Je connais plus d’un personnage
Qu’un tel sort rendrait envieux ! )
Vous jugez si nos gens en perdirent la tête !
De temps en temps leur grandeur satisfaite,
Jetait les yeux sur le riant jardin
D’un grand hôtel qu’ils avaient pour voisin.
« Qu’est-ce que ma vue incertaine
Découvre donc là-bas ? s’écriait le Jasmin…
A mes pieds ?… — C’est un Chêne !… —
Et cet autre ?…—Un Ormeau.— Dites que c’est un nain !
Qu’ils sont petits ! vraiment, c’est à grand’peine
Si je les vois ! Je les plains de bon cœur :
Être petit, c’est un si grand malheur ! »
Chacun faisait chorus, lorsqu’une planche usée ,
Cédant au poids de nos géants,
Les voilà tous de la croisée
L’un sur l’autre dégringolants
Jusque sur le des des passants.
Dans le ruisseau vint expirer leur gloire ,
Si ce n’est pourtant qu’un journal
Sur cet événement fatal
Broda la plus touchante histoire.
De nos vaniteux confondus
Un passant dit, en voyant les ruines :
« Être placé bien haut n’est qu’un danger de plus, »
Quand nous n’avons pas de racines ! »
“Les Arbres et les Pots de Fleurs”
- Ulric Guttinguer, 1787 -1866