Maximilien Emmanuel-Charles de Malon
Un Quidam d’un Ami reçoit un court billet,
Pour le presser, au cas qu’il soit possible,
De l’aider à païer une dette exigible
Contractée en tenant la main au Lansquenet,
Par un revers inconcevable, horrible.
Non, Parbleu, je n’en ferai rien,
Se dit en lui-même notre homme ;
Tirer de presse un joueur ! Voilà comme
On l’engage à perdre son bien.
Qu’il souffre, afin qu’il mûrisse sa tête :
D’ailleurs on revoit peu la somme que l’on prête,
Et le fruit d’obliger de la sorte un ami,
C’est, pour être païé, d’en faire un ennemi.
Ainsi, sous un prétexte honnête,
Il met Néant au bas de la requête.
Chez un second Quidam fut envoïé
Autre billet de même style.
Hélas ! comme il s’est fourvoïé,
S’écrie, en le lisant, cet homme plus facile !
Mais qu’importe à mon amitié,
Dès que je lui puis être utile ?
Il répond au valet : Dis que chez lui je cours.
II y court en effet : « Mon ami, sois tranquille ;
» Tu voulois cent louis ; je t’en apporte mille.
» Voici le plus beau de mes jours !
» Cependant fuis du jeu la passion terrible.»
La Raison calcule toujours ;
Mais rien n’arrête un Cœur sensible.
“Les deux Amis”