Patira, brave chien, gardoit la basse-cour.
Sans lui la maison même auroit été pillée ;
La martre et les voleurs en vain rodoient autour.
Sa vigilance redoublée
Ne dormoit que d’un œil. Au contraire, Médor,
Epagneul délicat, animal inutile,
Vivoit en fainéant; et son maître imbécile
L’aimoit et le prisoit au moins son pesant d’or.
Patira pâtissoit, et jamais la cuisine
N’offrait que du pain noir et des os à sa faim ;
Et souvent des coups de houssine
Vertement pour dessert pleuvoient sur son échine.
L’autre étoit à gogo, mangeoit du massepain,
Des morceaux de poulet, de perdrix, de lapin,
Et faisoit toujours chère fine.
Si, pendant un repas, il manquoit d’appétit,
La crainte s’emparoît des âmes désolées,
Et confitures et gelées
Trottoient pour rétablir la santé du petit.
Que conclure de ce récit ?
Que bizarre en ses jeux, féconde en injustices,
La Fortune souvent traite avec cruauté
Le travail et la probité,
Quand la licence oisive, au milieu des délices,
Nage dans l’abondance et la prospérité.
“Les deux Chiens”