Phèdre a dit : pour bien voir il n’est que l’œil du maitre ;
Et La Fontaine y met encor l’œil de l’amant.
C’est ce que chacun d’eux démontre élégamment.
On pourrait y joindre peut-être
L’œil le plus clairvoyant de tous ;
Et lequel donc ?… L’œil du jaloux.
Comme l’amant, l’époux peut l’être ;
Et je les plains : il n’est pas d’être
Selon moi plus à plaindre en tout cet univers.
Mais si notre ami Jean et Phèdre, dans leurs vers
N’ont pas sur ce sujet arrangé quelque fable,
C’est qu’ils ont jugé ce travers
Hors du genre, trop peu traitable,
Et d’autant plus qu’il arrive souvent
Que dans sa passion le jaloux y voit double,
Et qu’un objet lui paraît trouble,
Témoin ce fou ; ne sais s’il fut amant, époux,
Mais il n’était pas de tourment
Qu’il ne fit, nuit et jour, éprouver à la femme
Dont il était le tyran par amour.
Il lisait dans ses yeux, il lisait dans son âme
Qu’elle ne le payait que d’un faible retour.
Entrant chez elle, un soir, d’un air et triste et sombre,
Enfin, dit-il, perfide, je l’ai vu,
Vous étiez deux ici, dis, qu’est-il devenu ?
Il se démène, il cherche,… il n’avait vu qu’une ombre.
“Les deux clairvoyants”