Sultan coq remplit bien ses devoirs, Dieu merci !
Aimable et complaisant envers toutes ses femmes,
Là, les menant au grain, le leur triant ici,
Et par mille doux soins leur témoignant ses flammes ;
A chacune sa part ; et quelquefois aussi,
Lorsqu’un débat s’élève entre ces dames,
Les séparant ou de l’aile ou du bec,
Mais fort légèrement et comme avec respect,
En mari qui sait vivre, honnête et circonspect.
Or, un jour qu’en sultan il promène sur l’aire,
Un coq de bas aloi, mal crêté, pauvre hère,
Un coq de si piètre vertu
Qu’une poule l’aurait battu,
D’un air pattegrimaud l’aborde et lui dit : « Frère.
Vous serez bien aise, je crois,
D’apprendre qu’il n’est qu’une voix
Pour célébrer votre louange.
Jamais coq avant vous n’a régné dans ces lieux,
Connaissant ses devoirs et les remplissant mieux.
On ajoute, il est vrai, qu’il n’est pas fort étrange
Que vous mettiez tant d’ardeur à remplir
Des devoirs qui vous font plaisir.
Vos vertus ne vous coûtent guère. »
Ainsi cet envieux par de secrets sentiers
Arrivait à blâmer ce qu’il ne pouvait faire.
Sultan coq se dressant sur ses ergots altiers
L’apostropha rudement : « Moi, ton frère !
Raye cela de tes papiers.
Ou tu te feras tôt une méchante affaire.
Nous l’étions en naissant ; nous ne le sommes plus.
De toute parenté les lâches sont exclus.
Quant à ta pensée hypocrite
Sur mon plus ou moins de mérite,
Les piteux comme toi qui ne sont bons à rien
Dans les œuvres d’autrui ne voient jamais le bien. »
“Les deux Coqs”