Oui, le travail est un trésor.
Mais le repos est nécessaire :
Ménageons de longs jours à la Poule aux œufs d’or.
Un fermier voyant son confrère,
Après trois ou quatre ans d’un fructueux labeur.
Mettre un an ses champs en jachère,
S’écria : — C’est un grand malheur
Que de manquer d’intelligence.
N’est-il donc plus d’engrais ? Notre voisin, je pense,
Veut pour lui-même un peu de doux repos aussi.
Le paresseux ! Je vais profiter de ceci
Pour lui montrer mon savoir-faire. —
Il dit…. Quand approche janvier,
Notre homme couvre de fumier
Les sillons glacés d’une terre,
Qui déjà, depuis cinq printemps,
Bienfaisante et féconde mère,
Lui donnait des fruits abondants.
Il en arrache encore une bonne récolte.
L’an qui suit, il obtient un peu moins de succès. –
N’importe, allons toujours et redoublons d’engrais. –
La nature épuisée à la fin se révolte
Et ne donne plus que des fruits
Malingres, sans saveur, malsains, ridés, pourris ;
Tandis que le voisin obtenait de sa terre,
Après un repos salutaire,
Les fruits les plus mûrs, les plus beaux,
Et les récoltait par monceaux.
“Les deux fermiers”
- Alexis Rousset , 1799 – 1885