Timoléon Jaubert
Poète, magistrat et fabuliste XIXº – Les deux lièvres et le lapin
Frappé par le chasseur, un lièvre allait mourir.
Un lapin vint le secourir.
Il hésite, puis se rassure,
S’approche, du malade il panse la blessure,
Ramasse des brins d’herbe, en fait un lit moelleux.
Les lapins ont bon cœur, on le sait. Non loin d’eux,
Calme sur le plateau broutait un autre lièvre.
Dès qu’il vit son frère sanglant,
Il partit sans perdre un instant.
– « Pourquoi chercher ailleurs serpolet et genièvre ?
Ce lièvre est votre ami ; quel est donc son dessein ?»
Dit au mourant maître lapin.
– « Son dessein ? Oh ! je le devine.
Négligeant mes avis, sur la lande voisine,
Au lacet l’an dernier il fut pris bel et bien ;
Et moi, pour le sauver, je rongeai le lien. »
– « Il s’éloigne, et pourtant il sait votre souffrance !
Il vous fuit après le bienfait !.. »
– « Ami, le monde est ainsi fait :
Ce n’est pas moi qu’il fuit… c’est la reconnaissance. »
Timoléon Jaubert