Il sied d’être modeste à qui tient un haut rang,
Sous le cristal, où l’or resplendit rayonnant,
Le gaz épand sa lumière brillante ;
Riche et nouveau, chacun vient l’admirant,
Tandis que délaissé, vieux, terne, pâlissant,
Un réverbère éteint sa lumière tremblante,
Jouet qu’il est du moindre vent.
D’une origine différente,
Des deux flammes, hélas! Le sort est différent :
L’une est fêtée, et l’autre abandonnée.
L’ingratitude ainsi se montre à tout moment
Pour la vieillesse infortunée !
La nouvelle clarté triomphait cependant,
Et de loin narguait sa voisine,
Qui, douloureusement et d’une voix chagrine,
Se défendait tout doucement :
— Dans le temps où je vins, dit-elle,
On me fêta bien autrement !
Lors, la nuit était au brigand
Qu’éblouit ma clarté nouvelle ;
Auprès de la madone, en sa sainte chapelle,
Je fus la sûreté, le salut du passant,
Dans les hivers si longs où je brillais si belle !
Tu me remplaces maintenant,
Et moi, je pars sans me voir consolée
Sur dix siècles de règne, à jamais oubliés.
Par toi, que les destins ne soient pas défiés !
Tu peux t’évanouir comme moi, désolée,
Car l’homme a son génie et peut tout ordonner.
Mise à l’écart, je.suis une reine exilée ;
Mais savons-nous un jour qui te doit détrôner ?
“Les deux Lumières”