Deux Riverains se mirent en voyage.
Tous deux conduits par un motif pieux,
Ils alloient au temple des Dieux,
Pour y présenter leur hommage.
L’un dit, je te rend* grace ô pere bienfaisant !
Protecteur de la race humaine !
Le Rhône chaque jour délaisse mon domaine,
Mon œuil* voit se former un utile crément,
Bientôt un troupeau bondissant
Couvrira ma nouvelle plaine,
Sur les autels mon bras reconnoissant
Immolera les agneaux par douzaine.
L’autre s’écrie, ô pere des humains !
Sauve mes bois, mes champs et ma prairie,
Le Rhône tous les jours dégradant mon terrein*,
Emporte sur ses flots ma stérile industrie,
Mon champ n’est pourtant pas le prix
De ce trafic honteux que l’équité condamne
Et ma main n’a jamais recueilli les débris
D’un héritage en proye à la chicane,
Jupiter fort embarassé
Lui repond, on verra… Mais prenez patience
Le Ciel est toujours empressé
De venir au secours de de la foible innocence
En attendant, le Rhône emporte l’existence
D’un pere malheureux, de ses tristes enfans.
Ah ce n’est pas de l’ésperance
Qu’on doit à des besoins pressans.
*Orthographe et grammaire du temps jadis.
“Les deux Riverains”