Maximilien Emmanuel-Charles de Malon
Certain Fleuve majestueux
Recevoit dans son lit vingt sources vagabondes,
Et tombant sur le roc dans son cours tortueux,
Dispersoit, en fuiant, les perles de ses Ondes.
Sa Rive gauche murmuroit :
Peut-on, se disoit-elle, être à ce point prodigue ?
Le gravier, le gazon,tout ce qui me paroit,
N’a pu contre ses flots être une sûre digue !
Me disperser ainsi, c’est dissiper mon bien.
Et pourquoi faire encor ? Je n’en sçai rien.
On entendoit plus loin une autre voix plaintive :
Je me trompe, ou c’étoit celle de l’autre Rive :
Eh ! Quelle raison peut forcer
Un Fleuve aussi considérable,
S’écrioit-elle, d’entasser
Et les coquilles et le sable,
Dont chaque jour le poids m’accable ?
C’est avance pure, à ce qu’il me paraît :
J’offre pourtant un bord inépuisable.
Nous ne jugeons d’autrui que par notre intérêt.
“Les deux Rives”