Deux rossignols, messagers du printemps,
Se déclarèrent les amants
D’une linotte un peu cruelle.
Le chant, pour exprimer leurs feux.
N’est pas une façon nouvelle
Dont se servent les amoureux.
C’était le charme de l’oreille
Que d’entendre ces deux rivaux,
Animés d’une ardeur pareille,
Se disputer l’honneur des sons les plus nouveaux.
L’un, depuis deux moissons, auprès de sa maîtresse,
Chantait son amoureux tourment.
Du printemps dernier seulement
L’autre pouvait dater l’aveu de sa tendresse,
« Messieurs les rossignols, dit la linotte un jour,
Vous m’honorez beaucoup en m’offrant votre amour ;
Je le sais ; mais veuillez, de grâce,
Qu’un certain temps encore se passe
Avant que de mon cœur
L’un de vous deux soit possesseur.
(Elle n’en était pas à son apprentissage.)
Allez, dit-elle, allez faire un petit voyage,
Après quoi le plus amoureux
Sera le plus chéri des deux.
Partez sans tarder davantage,»
Les voilà donc de bois en bois errants.
Que leurs feux étaient différents!
La tendresse de l’un n’étant qu’une saillie.
En peu de jours fut ralentie.
Tandis que l’autre, épris d’une sincère ardeur,
Sentait à s’éloigner la plus vive douleur.
Tout occupé de sa tendresse.
Il avait beau changer de lieux.
Bocages, prés fleuris, oiseaux de chaque espèce,
Tout rappelait la linotte à ses yeux.
Pour finir les rigueurs d’une si triste vie,
Ne soupirant qu’après son seul retour,
Il vint rejoindre sa Sylvie
Qui le paya d’un si fidèle amour.
D’une flamme naissante une très-courte absence
Triomphe sans beaucoup d’effort.
Un véritable amour a tout un autre sort :
L’éloignement accroît sa violence.
“Les deux Rossignols”