Charles Porphyre Alexandre Desains
Au retour du printemps, brillaient, dans un parterre,
Deux Rosiers , qu’unissait le sort le plus prospère.
L’un vers l’autre penchés par un vœu mutuel,
ºmble ils confondaient leurs fleurs et leur feuillage,
Et dans ce nœud charmant, qu’ils croyaient éternel,
De l’hymen le plus doux ils présentaient l’image,
Quand par hasard, sorti de la terre entre eux deux,
Un Chardon, d’abord humble en son air doucereux,
D’un semblant d’amitié colorant sa conduite,
Aux Rosiers n’inspira nul soupçon pour la suite.
Ils étaient innocents et ne croyaient qu’au bien ;
Tout entiers aux plaisirs d’une jeune alliance,
Ils n’avaient pas le temps d’écouter la prudence.
Ce Chardon cependant, dont ils ne craignaient rien,
Grandissait sourdement sans respecter leur place ;
De ses honteux projets pour mieux cacher la trace,
Il vante le bonheur de leur tendre lien,
Exalte leur beauté qu’aucun Rosier n’efface,
Et, fourbe patient, il trouve le moyen
De disputer le sol, d’envahir tout l’espace ;
Puis, sur l’un des Rosiers tournant ses bras vainqueurs,
Dont il le captive et l’enlace,
A la longue il parvient, par d’indignes ardeurs,
A flétrir les rameaux, à séparer les fleurs
Du couple qui depuis a langui sur la terre.
Vous qui vivez heureux sous le joug tutélaire
D’un hymen désiré que votre cœur bénit,
Dans son germe étouffez le Chardon adultère,
Qui vient pour désunir ce que le ciel unit.
Charles Porphyre Alexandre Desains, (1789- 1862)