Denis Charles Henri Gauldrée-Boileau
Dans le temple pompeux qu’habitent les sciences,
Cherchaient à pénétrer deux hommes studieux.
Pour éviter les complaisances,
L’Envie est le portier établi par les dieux
Au péristyle de ces lieux.
Qui peut mieux qu’elle en garder les approches ?
On connaît ce monstre odieux :
Le vrai talent blesse ses yeux ;
Aucun défaut n’échappe à ses reproches.
Naturellement droit, le premier des savants
Ne voulait être admis que par la grande porte.
Avec persévérance il repousse , il supporte
Les dédains de l’envie et ses propos mordants.
Il finit par entrer, mais à force de temps.
L’autre au grand jour évitant de paraître,
Acheta la faveur d’un prêtre.
Grâce à ses soins, sans éclat et sans bruit,
A l’insu de l’Envie, à l’insu du vulgaire ,
Par un secret passage un beau jour introduit,
Il alla s’installer an fond du sanctuaire ;
Il y précéda son confrère
D’un demi-siècle au moins : celui-ci tout surpris
De le trouver tranquillement assis
Dans un séjour où le mérite
Ne parvenait qu’avec tant de soucis,
L’interrogea sur sa conduite.
On lui conta naïvement le fait.
A ce récit toujours plus stupéfait,
Sa franchise cria bien haut à la bassesse !
L’ancien se contenta de dire sans humeur :
» J’ai dans ce temple attendu la vieillesse,
« Et j’ai long-temps joui de mon bonheur. »
Les savants d’aujourd’hui montrent cette sagesse.
Bien fou qui compte sur ses droits ;
A les faire valoir on use sa jeunesse.
A la cour des neuf Sœurs, comme à la cour des rois,
Le savoir vaut moins que l’adresse.
“Les deux Savants”