Un saule se plaignait que l’injuste nature
D’une main trop avare eût réglé sa stature.
Il s’indignait contre les peupliers,
Acacias et marronniers,
Qui, touchant de plus près à la voûte céleste,
Insultaient, disait-il, à sa taille modeste,
Du soleil fécondant lui volaient la chaleur,
Et l’écrasaient de leur hauteur.
Fatigué de ses doléances,
Un saule pleureur, son voisin,
Lui répondit : « Mon cher cousin,
Je ne puis plaindre tes souffrances;
Car je suis plus petit, et, bien loin d’en gémir,
Je suis prêt à m’en applaudir.
Sais-tu pourquoi je sais me plaire
Dans te modeste rang qui t’a mis en émoi ?
C’est que mon front est penché vers la terre,
Et regarde au-dessous de moi;
Tandis que vers les lieux où gronde le tonnerre
Tes rameaux sont toujours tendus,
Et ne regardent qu’au-dessus.
L’aspect de qui te passe arme ta jalousie.
Tu n’y vois que d’heureux rivaux
“Les deux Saules”
- Jean-Pons-Guillaume Viennet 1777 – 1868