Léonie, Anaïs reçurent de leur mère
Une étoffe brillant des plus riches couleurs.
Présomptueuses, nos jeunes sœurs,
(Chacune se croyant fort habile ouvrière)
Sans guide, sans conseil et même sans patron,
Taillent, rognent à l’unisson
Corsage et jupon.
Orgueil ! ô combien de sottises
Tu fais faire aux enfants, voire même aux vieillards.
Depuis Eve, orgueil tu maîtrises
Des pauvres humains quatre quarts.
Bref, lecteur, nos deux travailleuses
Gachent l’étoffe à qui le mieux.
Ici les branches sinueuses
Sont mises haut en bas ; l’effet est merveilleux !
Est-ce pour ménager les teintes vaporeuses
Qu’Anaïs a cousu ses manches à l’envers,
Tandis que Léonie a ses lés en travers ?
On ne voit que souillure
Sur le brillant satin,
Ce n’est plus, je vous jure,
Qu’un vrai rebut de magasin,
Digne de parer l’étalage
Des revendeuses de haillons.
La morale est partout à qui veut des leçons
Je pourrais donc, enfants, en trouver pour votre âge
Une encore sur ce sujet.
Dieu vous donne la vie ; à vos soins il remet
Ce tissu précieux. Pour le rendre parfait,
Et l’employer avec prudence,
Il vous faut un modèle et de sages avis.
Dans ce travail ardu, gardez-vous, mes amis,
De l’orgueil, de l’outrecuidance.
Avec nos folles sœurs craignez la ressemblance ;
Ne gâchez pas la vie ! Aux pauvres comme aux rois,
Dieu, de ce tissu-là, ne donne pas deux fois.
“Les deux Sœurs”