Le vieux père Freulon et son ami Grégoire,
Un jour gaîment se rendaient à la foire ;
Selon l’usage, on devisait,
Et des châteaux, en Espagne, on faisait ;
Ce qui sans doute
Abrège un peu la route.
Soudain
Grégoire jette un cri, se baisse et met la main
Sur une bourse toute pleine.
Tandis qu’il la soupèse. — « Ah ! pour nous quelle aubaine !
Exclame vivement
Son compagnon. — « Comment ?
Pour nous…. mais point du tout ! Pour moi tu voulais dire ;
Ce qui diffère un peu. »
Freulon soupire
Et ne se plaint qu’à Dieu.
Nos voyageurs marchaient dans un profond silence
Quand tout-à-coup une clameur immense
Réveilla leurs esprits.
Plusieurs hommes armés, et poussant de grands cris,
Les entourèrent
Et les fouillèrent :
De la bourse trouvée ils cherchaient le voleur.
Grégoire, pâle de frayeur,
S’écria : « Nous sommes perdus ! » — « Je pense,
Reprit Freulon, que nous n’est pas le mot.
Mais, car tu sens la potence,
Au grand prévôt
Je fais la révérence. »
Freulon sur lui n’ayant aucun trésor,
S’esquive et court encor.
Egoïstes mortels, que le sort favorise,
Sur autrui ne comptez en cas d’une surprise.
“Les deux Voyageurs et la bourse”