Un Rothschild de l’Olympe, au maître du tonnerre
Proposa d’établir, à ses frais, dans les cieux,
Un chemin à vapeur à l’usage des dieux.
Avant d’admettre au ciel une œuvre de la terre,
Jupiter, qui pourtant penchait pour ce projet,
Crut devoir assembler sa cour à ce sujet.
Mercure, un des premiers, motiva son suffrage :
Vous savez que Mercure est souvent en voyage ?
Vulcain, pour les boiteux, trouvait, non sans raison,
La chose assez commode. Un nouvel horizon,
Un monde de plaisirs pour les dieux devait naître ;
Un monde qu’Amour seul semblait déjà connaître :
« Cœurs sensibles, dit-il, plus de larmes pour vous !
» Dans les bras d’un amant, ou dans ceux d’un époux,
» Goûtez, sexe enchanteur, une éternelle ivresse !
» Que pourrait désormais craindre votre tendresse ?
» Le temps, qu’assez souvent accompagne l’ennui,
» Ne vient plus des amants fatiguer l’espérance :
» Le baiser du retour est si près de l’absence !
» Entre deux cœurs aimants plus d’espace aujourd’hui ! »
Tel discours, prononcé par l’enfant de Cythère,
Pouvait cacher, je crois, quelques secrets motifs
Aux plus sages, pourtant, le perfide sut plaire :
Les plus sages, souvent, sont parmi les captifs.
Les débats étaient clos. Déjà du vieux Saturne
Un vote favorable était tombé dans l’urne :
Tout semblait, annoncer un triomphe certain ;
Mais Junon, par un signe, arrêta le Destin,
Et l’Olympe attentif recueillit ces paroles :
« Je connais le poison de les discours frivoles ;
» Et les wagons, cruel enfant,
» Loin de te rendre plus constant,
» Te rendraient, s’il se peut, encor plus infidèle !
» D’un pâtre de l’Ida*, trop soumis à ta loi,
» Si Vénus a reçu le prix de la plus belle,
» Le Ciel sera plus juste entre son fils et moi !
» Deux fois à ce discours on vit Jupin sourire.
Les dieux qui de Cypris protègent les autels
Le prirent autrement, mais n’osèrent rien dire :
Les dieux sont, à la cour, semblables aux mortels.
Cependant, Jupiter, voyant dans celte affaire
Des esprits trop ardents faussement engagés,
Les passions en jeu, les avis partagés,
Ne se prononça pas. — Ne cherchez, d’ordinaire,
Que l’avis d’un ami dans un sage entretien :
Les avis trop nombreux sont un obstacle au bien.
*Mont grec où Zeus fut élevé.
“Les Dieux et le Chemin de fer”