Dans le temps que l’Egypte adorait des Oignons
Les Singes et les Chats eurent part aux hommages
De ce Peuple éclairé, dit-on, par tant de Sages.
Or l’Egypte effaçait les autres nations
Par la splendeur des édifices
Qu’elle avait consacrés au culte de ces Dieux
Qui l’épuisaient en sacrifices.
Dans le plus élevé de ces Temples fameux
Un voyageur entra : dès l’abord il chancelle ;
Plein de la majesté du Dieu
Qu’il croyait résider en ce superbe lieu,
Il avance, saisi d’une frayeur nouvelle.
Au fond du sanctuaire un Prêtre l’introduit :
Le guide entre… en tremblant le voyageur le fuit.
Aux pieds de Jupiter il croyait comparaître.
Jugez qui fut surpris, comme aussi qui dut l’être,
En voyant sur l’Autel assis
Un petit Singe noir, ceint du bandeau suprême ?
A cette vue à peine il reprend ses esprits !
Quoi ! c’est donc là le Dieu, disait-il en lui-même !
Quel Temple et quelle Idole ! A certain mouvement
Le Prêtre s’apperçut de son étonnement.
Ministres des Autels, notre erreur est extrême,
Dit le Pontife adroit, de la chose informé.
Si l’homme de trop près voit l’objet qu’il adore,
Nous sommes tous perdus ; il en est tems encore :
Mais que le sanctuaire à jamais soit fermé.
Ce Pontife savait son rôle.
Par la grandeur du Temple on juge de l’Idole ;
Cette erreur est de tous les tems.
Dieux inutiles, Dieux nuisibles,
A qui le lot vulgaire offre un stérile encens ;
Petits Singes inaccessibles,
Vous avez bien raison de vous rendre invisibles !
“Les Dieux d’Egypte par Boisard”