Jean Baptiste François Ernest Chatelain
Au gré d’un archer plein d’adresse
Une Flèche, en sifflant, s’élançait vers les cieux.
Ses sœurs jetant sur elle un regard envieux,
Exprimaient ainsi leur tristesse :
” Quoi donc, notre maître nous laisse
Languir au fond de son Carquois,
Tandis que, pour noble prouesse
De notre compagne il fait choix ! ”
” N’enviez pas son sort : existence modeste
Vaut mieux,” dit le Carquois, ” qu’un seul jour filé d’or :
J’ai vu souventefois vers la voûte céleste
Mes hôtesses prendre l’essor ;
Cette témérité leur fut toujours funeste.”
Il en aurait dit plus, quand le peuple en fuyant
De la Flèche annonça la chute :
Plus rapide qu’en s’élevant
Elle vint frapper une butte,
Où se brisant avec fracas
Elle fut réduite en éclats.
Combien de favoris, idoles de leur maître,
En un instant sont culbutés,
Eux qui la veille encor, tout-puissants réputés,
Heureux ou sachant le paraître,
Faisaient envie au genre humain :
Toute fête a son lendemain.
“Les Flèches et le Carquois”