En sortant de Saint-Côme, un jour quelque Fraters,
de s’instruire en leur arc ayant la noble envie ,
après avoir formé mille projets divers,
firent celui de prendre un chien en vie,
& de le disséquer. Robin brûlant d’amour ,
la gueule ouverte, & l’âme émue ,
attendoit alors dans la rue
flore qui le payoit du plus tendre retour.
On l’environne , on le caresse, on loue
de son long poil l’éclat & la blancheur,
quoiqu’il soit tout couvert de boue.
Robin vire la queue, & rit de leur erreur.
L’un cependant défait sa jarretière,
& doucement au collier de Robin
la passe, & fait un nœud. Alors la troupe fière
s’écrie avec transport ; allons, marche, mâtin
Robin désespéré, pleure &: résiste en vain,
il faut les suivre, à grands coups d’étrivière ;
l’autre avec son mouchoir le chasse par derrière.
Ah! quel moment affreux sur-tout pour un amant
Au fond d’un grenier on se rend ;
le scalpel à la main, la troupe forcenée
entre, & va de Robin trancher la destinée.
Il voit tout le danger dont il est menacé,
il le voit, & ne fait que faire
pour l’éviter. Eh ! comment s’y soustraire ?
mordre, ou grincer les dents, seroit-il salutaire ?
Il prit un parti plus sensé.
Le premier qui s’approche est par lui caressé ;
aux autres avec grâce il présente la patte.
Il danse, & de sa queue, en passant, il les flatte.
On se regarde, on rit. Robin s’en apperçoit,
& sent au fond du cœur renaître l’espérance.
Il se casse le col . Tubleu! qu’il est adroit !
disent nos Carabins. —— Il fait la révérence.
On rit plus fort. — Il se tient droit,
monte la garde, & d’un air d’assurance,
se tourne à droite, à gauche, en portant pour mousquet,
sur son épaule un cotteret.
On n’y tient plus : de la troupe ennemie
ce dernier tour calme l’âme adoucie.
Qu’il vive, dit l’un d’eux, & qu’il reste chez nous;
puisqu’à faire des tours il est vraiment habile ,
nous en prendrons un autre, ignorant, inutile :
mes amis , celui-ci doit nous apprendre à tous
combien le talent est utile.
“Les Fraters et le Chien”