Émile Pagès ou Louis Bergeron
Journaliste, écrivain et fabuliste XIXº – Les insurgés et les journaux
Imitation de la fable de Lafontaine : l’Enfant et le Maître d’école.
Dans ce récit je prétends faire voir
De maints journaux la remontrance vaine.
Naguère on vit, sur les bords de la Seine,
Des ouvriers, bercés d’un chimérique espoir,
De la guerre civile allumer l’incendie
Pour renverser la monarchie.
Après vingt heures de combats,
Ne pouvant longtemps se défendre
Contre des milliers de soldats,
Aux lacs de la police ils se laissèrent prendre
Et tournèrent alors les yeux vers les journaux,
Plus ou moins libéraux,
Implorant contre l’arbitraire
Leur protection tutélaire.
Mais loin de détourner les coups,
La presse à contre-temps s’avise
De les tancer : Voyez-les fous,
S’exclame-t-elle avec courroux,
Où les a plongés leur sottise !
De s’émeuter qu’avaient-ils donc besoin ?
Et puis, prenez de tels butors le soin !
Que les journaux sont malheureux qu’il faille
Toujours veiller à semblable canaille !
Qu’ils ont de maux, hélas ! et de tourments. »
Ayant tout dit, enfin, avec un zèle extrême
Elle combattit le système
D’exceptionnels jugements
Juridiques égorgements.
Je blâme ici plus de gens qu’on ne pense.
Tout babillard, tout censeur, tout pédant,
Se peut connaître au discours que j’avance.
Chacun des trois fait un peuple fort grand :
Le représentatif en a béni l’engeance.
En toute affaire ils ne font que songer
Au moyen d’exercer leur langue :
Hé ! mon ami, tire-nous de danger,
Tu feras après ta harangue.
Émile Pagès ou Louis Bergeron