Félix MOUSSET
Il est des animaux, ainsi qu’il est des hommes,
Qui n’ont de raison d’être et de raison d’agir
Que le mal dont ils sont capables, et nous sommes
Impuissants à les assagir.
L’épervier est du nombre ainsi que le moustique ;
L’un fait !a guerre atroce aux tout petits oiseaux,
L’antre est fils de la fange ; an milieu des roseaux,
Il naît un soir d’août, vole, bourdonne et pique.
Tous deux, en vrais amis, conversaient certain soir
Comme aiment à causer larrons de grande route.
L’épervier s’écriait : « Moi, ce que j’aime avoir,
C’est la pourpre du sang ruisselant goutte à goutte.
Hier j’ai découvert, blottis sous les rameaux,
Un beau couple de tourtereaux.
Palsambleu ! Je n’en fis qu’une demi-bouchée,
Et je me suis payé pour dessert leur nichée…
— Peuh ! dit le moustique en riant,
Des tourtereaux, la belle affaire !
Deux oiseaux, tout juste un paire.
Ma foi ! Je suis bien plus friand.
Juges-en ; reposant sur l’herbe,
Dormait dans un profond sommeil
Un homme, un athlète superbe,
Au bras nerveux, au sang vermeil.
J’aime le sang pur, il m’en donne,
Et lorsque je me suis repu,
Qu’à mon gré je suis devenu
Bien rebondi… je l’empoisonne. »
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Amis, ne soyez pus surpris
De cette histoire de deux bêtes :
Combien en voyez-vous dans le monde où vous êtes.
Plus venimeux encor pour qui les a nourris !
“Les Moustiques et l’Épervier”