« Pourquoi troubler ainsi cette eau ? »
L’apostrophe que je répète,
N’est pas celle du Loup qui gourmande l’Agneau ;
Ils n’ont plus besoin d’interprète.
Ici, deux Ecoliers parlent à deux Pêcheurs.
Tous quatre, durant les chaleurs
Dont l’astre du Chien nous embrase,
Fréquentoient un ruisseau dont j’oubliai le nom,
Mais clair comme Vaucluse, Aiphée, ou le Lignon ;
Clair, je m’explique, si la vase
Qui dormoit au fond du canal,
Par le croc des Pêcheurs constamment agitée,
A fleur d’eau ne fût pas montée.
Les deux adolescents qui se baignoient aval
Allèguent qu’on leur fait un notable dommage,
Que sans cause on les trouble en d’innocents ébats ;
Mais nus et désarmés, ils ne le prennent pas
Sur le ton coutumier à leurs mœurs, à leur âge.
« Braves gens, disoient-ils, vous gâtez notre bain.
» Pourquoi cet étrange manège ? »
« — Nous le faisons à bon dessein.
» Cette eau, trouble, aux poissons dérobe mieux le piège
» Où les attendent nos filets. »
« Evitons ces gens-ci, dirent les jeunes hommes.
» De qui pêche en eau trouble il faut se méfier.
» Bien que, reprit l’un d’eux, dans le siècle où nous sommes,
» Ce soit, dit-on, un bon métier. »
“Les Pêcheurs”