Auguste Judlin
Poète et fabuliste XIXº – Les plaideurs
Qui s’acharne à plaider, quelle que soit sa cause,
Au dire de chacun, n’y gagne pas grand’chose ;
Graisser la patte au juge, ainsi qu’à l’avocat,
Ne jamais rien gagner et perdre ce qu’on a,
Voilà du plaidoyer la triste conséquence.
Souvent, ce n’est pas tout ;
Lecteur, retiens-le bien, et prends la patience
De lire jusqu’au bout :
Deux compères lurons vivaient depuis longtemps
Dans le même village ;
Jeannot était plaideur, et Colas, à mon sens,
N’était guère plus sage.
Dans le champ du premier, le baudet de Colas,
Par mégarde passant, commit quelques dégâts ;
Car, s’y vautrant, je crois, il y fit la culbute.
Si ce fut, pour Jeannot, un sujet de dispute,
Je le laisse à penser à qui voudra me lire.
Il courut porter plainte au juge de l’endroit,
Mit tous les avocats et Thémis en émoi.
Colas, plus chicaneur qu’on ne saurait le dire.
En appela vingt fois de son juge à la Cour….
Ils firent tant tous deux, qu’aux pieds de la Chicane,
Jeannot laissa son pré, l’autre perdit son âne.
Auguste Judlin