Pommes d’amour ! pommes d’amour ! —
Dans des charrettes, sur le cours,
A pleines corbeilles débouchent
Les tomates rondes et rouges, —
Pommes d’amour ! — pommes d’amour ! —
Le Midi bouge…
Et les ménagères se hâtent,
Pour les salades
De tomates,
De piments doux et de concombres,
D’huile d’olive assaisonnées,
Que l’on déguste, à toute heure de la journée,
Dans la salle à manger où la fraîcheur et l’ombre
Demeurent emmagasinées,
Volets clos, à cause des mouches-
Pommes d’amour, tomates rouges —
Oui, tomates rouges, pareilles
Aux framboises
Et aux groseilles.
Mieux, aux joues des villageoises,
Rondes, rouges, fraîches comme elles,
Ou d’un entant qui se réveille-
Mais pourquoi les gens de la ville,
Pourquoi, précieux et subtils,
Dans leurs discours
Appellent-ils
Les tomates pommes d’amour ?
Oui, rondes comme
Des pommes,
Soit !
Mais d’amour, quoi ? d’amour, pourquoi ?
C’est bien toujours la même rage,
Contre laquelle en vain protestera le sage.
Et dont l’ironiste se gausse,
De le mettre à toutes les sauces,
Et d’employer ainsi le plus joli des mots,
« Amour », à tout propos, « amour » hors de propos…
A moins que ce ne soit plutôt,
Qui ne fait de mal à personne,
En somme,
Que ce ne soit un genre que se donnent
Ces tomates, pommes
D’amour,
Plutôt que tomates tout court.
Combien, ailleurs qu’au potager, se flattent
D’avoir l’habitude des cours,
Prennent des airs d’aristocrates,
Un nom flambant dont la noblesse éclate,
Se font nommer pommes d’amour,
Et qui ne sont que de simples tomates ?
“Les Pommes d’Amour”