Le fifre et le tambour ont frappé mon tympan.
Qu’est-ce donc ? Un gros ours, docile à la cadence,
Qui lourdement se met en danse
Sons le bâton de son tyran.
En vain il sue, il est en nage,
Son poil se dresse de fureur,
Sa gueule est entr’ouverte, il faut de l’esclavage
Qu’il supporte toute l’horreur.
Certain village était le lieu de ce spectacle ;
Et là, chaque rustaud, voyant danser notre ours,
Tout ébahi, criait miracle !
Martin a cependant achevé tous ses tours.
On part pour un autre village ;
Mais le pauvre ours, n’en pouvant plus,
Va jetant les hauts cris ; ses cris sont superflus.
Le bâton est levé. Dans un accès de rage,
Même au péril de se tordre le cou,
Enfin, Martin rompt son licou ;
Et, gagnant la forêt voisine,
Loin de ses oppresseurs librement il chemine.
Mais à force de peine, à force de courir,
Nos gens ont rattrapé la malheureuse bête,
Qui reçoit tant de coups sur le dos, sur la tête,
Qu’elle est sur le point d’en mourir.
Vous, peuples asservis que la nature entraîne
Vers une douce liberté,
Craignez dans vos tyrans une implacable haine ;
A leurs yeux, profitez de cette vérité :
Le plus grand attentat est de rompre sa chaîne.
“Les Promeneurs d’Ours”
- Jean-Auguste Boyer-Nioche, 1788-1859