Les éléments un jour rompant d’antiques nœuds,
Entre eux se disputaient le monde,
De leurs droits, l’air, le feu, la terre et l’onde
Faisaient étalage pompeux,
De quoi tout ce qui vit retire sa substance ;
« Je nourris l’animal, et la fleur et les fruits, »
Disait la terre. — « Mais par moi tu les produis,
« Répondait l’eau : déjà de ma puissance
« Du globe entier les trois quarts sont couverts.
« Partout coulant, filtrant, vaporisée,
« Réunie en ruisseaux, convertie en rosée,
« Je suis le sang vital de ce vaste univers. »
L’air, à son tour, disait : «Je suis roi de l’espace,
« Et dans mon sein vous vous mouvez. »
— « Sans moi, de nuit et d’éternelle glace
« Vous seriez investis, et par moi vous vivez,
« Disait le feu : j’échauffe, éclaire,
« Par mes rayons ardents, par l’éclat du tonnerre,
« Je me fais reconnaître et me fais respecter. »
Après maint argument, on dut porter la cause
Au tribunal du dieu souverain justicier.
Jupin dit : « Que chacun, s’il l’ose,
« Règne à son tour,
« Mais un seul jour. »
De secours bienfaisants la terre dépourvue
N’offre plus aux regards que stériles déserts.
De toute part l’eau répandue
De son déluge afflige l’univers.
L’air ne peut donner que du vide.
Le feu, dans sa course rapide,
A détruire se voit borné.
Dès le cinquième jour à l’antique alliance
Chacun bien vite est retourné.
De leur mutuelle assistance
Partout se répand le bienfait ;
Le monde redevient un ensemble parfait.
L’homme de l’univers est la miniature
Et contient ses quatre éléments.
L’imagination, le cœur, l’esprit, les sens,
Par leur concert composent sa nature.
Chacun prétend à l’absolu pouvoir,
Mais leur discorde n’est que folie,
Et la raison trouve en leur harmonie
La source du bonheur, la règle du devoir.
“Les quatre Éléments”